Les aveugles vouvoient considérablement moins que les voyants

Les aveugles vouvoient considérablement moins que les voyants

Publié le : 25 octobre 20233 mins de lecture

Quel est le rapport ? Voici la question qui peut légitimement être posée face à la conclusion de cette étude inédite. Pourtant, forte de ses 11 500 participants, l’expérimentation est bel et bien validée scientifiquement. L’hypothèse privilégiée par les chercheurs : en l’absence d’indices visuels suggérant l’âge et la classe sociale, une personne non-voyante choisirait de préférence le tutoiement, « vecteur de rapprochement et d’affection ». Interview.

Bertrand, pianiste Parisien de 41 ans, est aveugle de naissance. Accoutumé à faire de nombreuses rencontres, de par sa profession, nous avons voulu connaître son opinion sur les conclusions de l’étude. Nous avons pu le rencontrer au Swinging Panther, le café-jazz où Bertrand électrise chaque soir le public par ses improvisations, éblouissantes de virtuosité.

Le CdE : Bonjour et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Bertrand : De rien. Bonjour.
Le CdE : Rentrons directement dans le vif du sujet. Avez-vous l’impression que vous vouvoyez moins que la moyenne ?
Bertrand : Je me vois comme une personne normale, si c’est la question que vous me posez.
Le CdE : Oui, mais plus précisément, diriez-vous qu’une personne voyante vouvoie plus qu’une personne non-voyante ?
Bertrand : Il existe des facultés que les non voyants développent pour « compenser », comme on dit, un voyant perçoit une partie de vous que nous ne percevons pas mais la réciproque est vraie : un non voyant vous voit, avec le cœur et sans préjugés.
Le CdE : « Il vouvoie avec le cœur » : belle et étrange expression ! Donc si je vous comprends bien, on peut dire que quand on vouvoie, ce n’est pas que par contrainte, on peut aussi y trouver un certain plaisir ?
Bertrand : [hésitation] Si vous voulez oui. Bon, il va falloir que j’aille répéter moi.
Le CdE : Une dernière question avant de vous libérer : Quand vous êtes seul, que vous vous parlez à vous même (car cela nous arrive tous, n’est-ce pas ?), nous avouez-vous vous vouvoyer ?
Bertrand : Au revoir.
Le CdE : Merci, et au revoir.
– Fin de l’interview –
Encore une étude où les théories élaborées par les chercheurs ne semblent pas toujours en phase avec le « monde réel », ce qui n’est pas sans rappeler cette autre étude, démontrant que les personnes atteintes de surdité s’entendent généralement mieux entre elles, qui n’avait pas rencontré, sur le terrain, l’échos que promettaient les résultats théoriques.

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